Les
guerres
en Orient et
en Mésopotamie |
Sixième et septième siècles
Quatre chroniques syriaques très anciennes évoquent
pour nous les guerres qui dévastèrent, au sixième et au septième siècle,
la région de la Syrie et de la Haute Mésopotamie.
Les deux grands empires, byzantin et perse, se heurtaient violemment au cours de guerres meurtrières qui ravageaient particulièrement les régions frontalières, si riches et si prospères. La guerre était le fléau universel, la force aveugle, triomphante.
Empire sassanide
Kawad et Anastase Un
nouveau conflit éclata
en l’an 502. Il tirait
ses origines de faits plus lointains, qui se déroulèrent
à la fin du troisième siècle. Nisibe
fut prise par les Romains en 297. Après la défaite et la mort en Orient
de l’empereur Julien, elle fut rendue aux Perses en 363, pour 120
ans. Ils en percevaient les taxes. La Perse et Byzance durent s’unir par un traité diplomatique contre les ennemis qui les menaçaient, Barbares ou Huns. Ensuite, le Roi des Rois Pérôz reçut souvent de l’argent des Romains pour soumettre la tribu turco-mongole des Huns Hephthalites. Bien que 120 ans aient passés, il ne restitua pas Nisibe à l’empereur d’Orient et d’Occident, Zénon, établi à Constantinople (474-491). En 484, Pérôz disparut en combattant les Huns. Son frère Balâsh monta sur le trône, puis Kawad, fils de Pérôz. (488-497; 499-531.)
monnaie des Huns Hephtalites, 5° siècle A l’avènement de l’empereur Anastase, en 491, Kawad, au lieu des paroles de paix et de salutation d’usage, lui envoya un mot pour lui réclamer le tribut et le menaça de guerre. Anastase, irrité par la conduite malveillante du souverain perse refusa de lui envoyer l’argent, car il en avait besoin pour continuer les guerres de l’empire contre les Germains et les Blemyes (une race éthiopienne) Il le pria de lui restituer Nisibe :
Zarathoustra
(Doura-Europos)
Un
beau jour du mois d’août 502, Kawad, rassembla ses forces et franchit
la frontière du territoire romain.
L’équilibre
cosmique fut rompu, comme l’annonçaient l’éclipse de soleil, la sécheresse,
prélude au désastre, l’apparition d’une étoile en forme de lance ou
d’une comète. L’équilibre
politique de l’Empire romain d’Orient vacilla aussi. Les Romains résolurent
de triompher de la force aveugle de l’ennemi, de combattre pour la
paix, la vertu, le rétablissement de l’ordre. La guerre romano-perse éclata. Theodosiopolis, en Arménie, (aujourd’hui Erzurum), fut pillée et brûlée. Le
5 octobre Kawad alla camper près de la cité d’Amid qui résista.
Le siège d’Amid Petite
ville de l’empire assyrien, elle fit partie de l’ancienne Perse, du
royaume des Séleucides et de l’Empire romain où elle eut peu d’importance.
Comme elle était située à la frontière romano-perse, elle fut disputée
entre les Romains et les Perses. Le fils de l’empereur Constantin,
Constance, la fit rebâtir en 348. Au sixième siècle, Justinien l’entoura
d’une nouvelle et sombre
enceinte fortifiée, bâtie en pierres basaltiques. La cité était dotée
d’églises, de monastères, et constitua le siège d’un épiscopat.
Le
siège d’Amid dura 97 jours. Les Perses prirent la ville par une nuit
froide et pluvieuse de janvier 503, ils ravagèrent la cité, commirent
des atrocités :
“Ils
laissèrent une garnison de 3000 hommes et descendirent vers les montagnes
de Shîgâr [Sindjar]. Afin que les Perses qui restaient-là ne fussent
pas importunés par l’odeur des cadavres amidéens, ils les emportèrent
dehors et les empilèrent par monceaux à l’extérieur de la porte nord.
Le nombre de ceux qui furent sortis par la porte nord dépassait 80
000; sans compter ceux qu’ils firent sortir encore vivants,
et lapidèrent en dehors de la ville et ceux qu’ils poignardèrent
au sommet du bélier qu’ils avaient construit, et ceux qui furent jetés
dans le Tigre (Deklath), et ceux qui moururent par toutes sortes de
morts, au sujet desquelles nous sommes incapables de parler. »
(
Ibidem, § 53)
Kawad,
que Josué le Stylite jugeait comme un homme méchant, rusé, sans parole,
indigne de porter le titre de roi, se dirigea ensuite vers la
place forte d’Edesse.
Le siège d’ Edesse Edesse,
en grec, Urhâi chez les Syriaques fut fondée par Séleucos, lieutenant
d’Alexandre le Grand, aux environs de l’an 300 avant notre ère, sur
le site d’une ancienne cité de la Haute Mésopotamie. Il lui donna
ce nom caressant en souvenir de l’Edesse de Macédoine, chère à ses
soldats, bruissante de fontaines et de sources curatives.
Edesse
se dressait au milieu d’un plateau fertile, défendue à l’ouest par
les contreforts des montagnes du Taurus. Une vingtaine de ruisseaux
l’arrosaient. Comme les chroniques syriaques le mentionnent, la rivière
Daisan, qui la traversait et la rafraîchissait, débordait trop souvent.
Une
dynastie, dont les princes portaient les noms d’Abgar et de Manou,
régna à Edesse, de 69 environ avant Jésus-Christ, à
l’année 213, date où l’empereur Caracalla en fit une colonie
romaine. Selon
les traditions, Edesse n’était-elle pas l’une des premières cités
passées au christianisme, grâce au zèle de l’apôtre Addaï, l’un des
soixante-dix disciples de Jésus ? Les échanges commerciaux se développèrent,
la nouvelle religion se propagea. Les marchands égyptiens, phéniciens,
syriens, arabes et juifs passaient par la ville, car elle était située
au carrefour des pistes caravanières, et elle constituait une étape
importante sur la Route de la soie. Au
deuxième siècle, la ville devint la patrie du célèbre philosophe syriaque
Bardesane (154-222). A la croisée des courants culturels, elle demeura
le berceau de la langue et de la culture syriaque. Nisibe et Antioche
la relayèrent ensuite. Edesse
abrita la fameuse Ecole des Perses, fermée par l’empereur romain Zénon
en 489. Le nom de la ville d’Edesse s’entourait de mystère, et de légende, car elle protégeait des reliques célèbres, la lettre que le Christ aurait écrite au premier roi chrétien, Abgar V (9-46 après J.-C.) dit Oukama, le Noir, qui régnait à Edesse, et le portrait miraculeux de Jésus imprimé sur un linge. Josué voyait en Edesse la cité du Christ lui-même, qui aurait promis jadis au roi Abgar que sa ville serait bénie et qu’aucun ennemi n’aurait jamais pouvoir sur elle.
Édifiée
selon un plan régulier, Edesse était entourée de remparts crénelés.
Au sixième siècle, six portes gardaient l’accès à la petite place
forte. Les pèlerins affluaient dans la cité, découvrant sa rue principale ornée de portiques à colonnes, de boutiques, ses maisons construites de pierres et de chaux, ses jolies places, ses jardins. Il y avait encore un hippodrome, un théâtre, deux bains publics, un d’hiver et un d’été, un hôpital, près de l’évêché, un grenier à céréales, des palais, des églises et, aux alentours de la ville, des hostelleries et des monastères. Les gens d’Edesse faisaient preuve d’un zèle aigu pour défendre leur foi. Josué le Stylite raconta comment les Edesséniens, dès le six septembre, se préparèrent au siège, rasant les monastères, les hostelleries proches des remparts, mais situées en dehors de la cité, coupant les haies des jardins, les arbres, ramenant pieusement des églises extérieures les précieuses reliques des martyrs. Le mercredi dix-sept septembre, Kawad et une nombreuse armée vinrent camper devant les murailles d’Edesse :
“Les portes de la cité restaient ouvertes, mais
les Perses étaient incapables d’entrer dans la ville à cause de la
bénédiction du Christ. Au contraire, la peur tomba sur eux, et
ils
restèrent à leurs postes, nul ne combattant avec eux, depuis le matin
jusqu’à la neuvième heure. Alors, certains [Edésseniens] sortirent
de la cité et se battirent avec eux; et ils tuèrent beaucoup de Perses,
mais il ne tomba qu’un seul homme parmi eux.” (Chronique de Josué
le Stylite, § 60) Si les Perses superstitieux avaient si peur de franchir les portes d’Edesse, c’était à cause de la promesse du Christ. Cette promesse constituait le plus puissant des remparts, un gage d’invincibilité. Kawad demanda des otages et la somme de 2000 livres d’or, pour lever le camp. Comme il ne recevait pas l’argent promis dans le délai voulu, il revint assiéger Edesse le 24 septembre, mais rencontra une vraie résistance :
“Alors Kawad devint furieux, et arma les éléphants
qui étaient avec lui. Il se mit en route, lui et son armée, et vint
de nouveau se battre contre Edesse, le 24 du mois de Ilûl (septembre)
, un mercredi. Il entoura la cité de tous côtés, plus que la première
fois, toutes ses portes restant ouvertes... Ses légions étaient assez
hardies pour tenter d’entrer dans la cité; mais quand elles s’approchèrent
des portes, comme un monticule de terre lavé, elles furent humiliées,
et refoulées et rebroussèrent chemin. A cause, cependant, de la rapidité
de la charge de la cavalerie, les frondeurs, parmi eux, se mêlèrent
cependant; et bien que les Perses tirassent des flèches, et que les
Huns brandissent des massues, et les Arabes levassent des épées vers
eux, ils étaient incapables de faire du mal à un seul d’entre eux.”
(Ibidem, § 62) Les Perses, incapables de se rendre maîtres de la cité bénie, s’en allèrent; ils mirent le feu à l’église de S.Serge, à l’église des Confesseurs, et à tous les couvents qui étaient restés debout à Edesse. Ils se retirèrent vers l’Euphrate.
La famine à Amid La famine, en ces années 504, 505 accablait les habitants de la ville qui avaient échappé à l’épée.
Les Perses, craignant qu’ils ne livrent la cité aux
Romains, rassemblèrent les hommes dans l’amphithéâtre, où ils moururent
de faim. Ils donnèrent un peu de nourriture aux femmes qui servaient
à leurs plaisirs, mais quand la nourriture se fit rare, ils les laissèrent
sans subsistance. Alors, à bout de forces, écrit Josué qui craignait
de n’être pas cru par ses futurs lecteurs, elles devinrent anthropophages.
Avec une voracité peu regardante, elles mangèrent aussi des semelles
:
“De
nombreuses femmes alors se rencontrèrent et conspirèrent; elles prirent
l’habitude d’aller dans les rues de la ville, le soir ou le matin,
à la dérobée. Et quelle que fût la personne qu’elles rencontraient,
femme ou enfant ou homme, avec laquelle elles étaient de force à
lutter, elles l’entraînaient de force dans une maison, la
tuaient et la mangeaient, soit bouillie, soit rôtie. Quand
la chose fut trahie par l’odeur de rôti, et parvint à la connaissance
du général (marzebân) qui commandait la ville, il fit
un
exemple ; il mit à mort beaucoup d’entre elles et menaça les
autres en paroles, afin qu’elles ne fissent plus cela et ne tuassent
plus personne. Il leur donna la permission de manger les morts, ce
qu’elles firent ouvertement, mangeant la chair des morts; celles qui
restaient piquaient des chaussures et de vieilles semelles et autres
choses répugnantes dans les rues et les cours et les mangeaient
” (Chronique de Josué le Stylite, § 77)
"Les habitants de la cité l’escortèrent, lui chantèrent
des louanges, à lui et à celui
qui l’avait envoyé. Ils se réjouissaient de la paix qui avait
été faite, et ils jubilaient dans la délivrance des malheurs subis,
qu’ils goûteraient désormais. Ils
dansaient de joie à l’espoir des bonnes choses qu’ils espéraient
avoir, et louaient Dieu, qui dans sa bonté et sa grâce avait jeté
la paix sur les deux royaumes."
(Chronique de Josué le Stylite, § 100 )
Chosroes Ier
prend Antioche
Chosroès Anuchirwan. Page de Shahnameh. BNF.
Antioche
(Aujourd’hui Antakya), la troisième ville de l’empire après Constantinople
et Alexandrie, était située sur la rive gauche de l’Oronte, au pied
des monts Sylpius et Stauris, au centre d’une plaine plantée de figuiers,
d’oliviers, de cyprès. Elle
avait été fondée vers 300 avant Jésus-Christ par un ancien lieutenant
d’Alexandre, Séleucos, qui lui avait donné le nom de son père, Antiochos.
Il l’avait bâtie, sur un plan régulier, et l’avait divisée en quatre
quartiers. De larges rues bordées de portiques, sous lesquels se promenait
la foule des badauds, se recoupaient.
Antioche était
devenue la capitale des Séleucides et un grand centre de l’Orient
hellénistique.
Les Romains
la conquirent en 64 avant Jésus-Christ. Christianisée
de bonne heure, elle abrita la première communauté chrétienne et
devint ensuite le siège d’un vaste patriarcat. A
cette époque-là, la ville, dominée par sa citadelle, entourée de remparts,
et de jardins, ne ressemblait à aucune autre. Une douce lumière, rose
et or, effleurait le dôme de la grande
église, bâtie par Constantin le Victorieux, sans pareille sur
le territoire des Romains, elle caressait la façade du palais impérial,
les belles maisons à étages et les somptueux monuments, dont les murs
étaient incrustés de dalles de marbre blanc. Elle dansait sur les
places ornées de statues, se jouait dans l’eau claire des
fontaines. Antioche
s’enorgueillissait de théâtres, de portiques, de boutiques bien achalandées,
de bains, d’une bibliothèque et
d’un hippodrome, où se disputaient les courses de char et les
factions rivales, comme à Constantinople. Les caravaniers, portant
l’encens et les épices de l’Arabie, y faisaient étape, et s’égaraient
parfois le soir dans les sombres
ruelles de son quartier chaud, à l’ambiance animée.
C’était une métropole grande et réputée, la rivale d’Alexandrie, un centre religieux, culturel et économique important, car elle se trouvait au carrefour de l’Orient et de l’Occident. Elle conservait une école de théologie. Sa flotte marchande naviguait sur l’Oronte jusqu’à la mer. Antioche
comptait probablement 300000 habitants. Elle était accueillante pour
les étrangers. Des Grecs, des Syriens, des Juifs, teintés de culture
hellène, composaient sa population. Dans les campagnes, autour de
la ville, où s’élevaient de grands monastères, les gens parlaient
le syriaque. Antioche incendiée
“Ils soumirent, pillèrent et asservirent jusqu’à la
grande ville d’Antioche et ils l’encerclèrent. Et parce qu’elle avait
été fortifiée pour qu’elle combatte contre lui, (le Perse) la vainquit,
la dévasta et la soumit, il l’incendia et l’envoya en exil et la
détruisit aussi jusqu’à ses fondations. Et ils enlevèrent aussi
jusqu’aux pelecus
[
sortes
de dalles de marbre, décoratives..
(Jean
d’Asie, Histoire ecclésiastique, P. 68 )
“Cette même année, au mois de Îyâr (mai), Chosroes,
roi des Perses, mit fin à la trêve, envahit
les territoires des Romains, dévasta Shura, Alep et Antioche.
Il s’empara aussi d’Apamée, et poussa au retour jusqu’à Edesse. Mais
par la grâce de Dieu, et sa protection, il ne causa aucun dommage
à la ville : ayant reçu deux livres d’or qui lui furent pesées par
ses premiers citoyens, il retourna dans sa patrie.” (Chronique d’Edesse,
CV) Selon
Procope, historien de l’empereur Justinien, les habitants d’Edesse,
au sixième siècle, placèrent sur la porte de la ville, une reproduction
de la fameuse lettre échangée entre Abgar et Jésus. La parole du Christ
gardait toujours Edesse, son image repoussait l’ennemi comme un talisman.
Chosroes II
En 602/603, après l’assassinat de Maurice par un officier subalterne, Phocas, Chosroes II, sous prétexte de venger son beau-père et protecteur, envahit avec ses troupes la Haute Mésopotamie, l’Arménie romaine. La guerre se ralluma, pour environ vingt ans.
Héraclius décapitant Chosroès II - Jan de Beer.
La
promesse de Jésus, rempart d’Edesse, resta crédible jusqu’au début
du septième siècle, où la cité bénie tomba aux mains de Chosroes II
: “L’an
916 (604-605), Edesse fut prise”, note d’une manière concise
le Pseudo-Denys.. (Chronique du Pseudo-Denys, P. 3) Byzance prit l’offensive. Déjà Héraclius, fils de l’exarque de Carthage, avait renversé le tyran Phocas en 610, et s’était fait couronner à Constantinople. Il écrivit à Kosrau pour demander la paix; mais celui-ci la lui refusa. Héraclius
leva donc une armée et poursuivit les combats. Il reprit Edesse en
940 (628-629), et obligea les Perses à lui restituer toutes leurs
conquêtes. Courte victoire. Les Arabes entrèrent dans les murs de
la ville une dizaine d’années plus tard.
Les
textes nous renseignent sur l’importance des effectifs, l’équipement
des guerriers, casques et boucliers, l’armement, épées, lances, javelots,
haches, massues, arcs et flèches. Ils nous décrivent les engins de
sièges, béliers, rampes en terre, échelles; ils nous parlent des ruses
de guerre pour prendre une ville, des
pillages fréquemment pratiqués, du butin, des déportations
massives de populations, comme lors de la prise d’Antioche par Chosroes
Anoshirwan. Les
récits tentent de légitimer théologiquement la guerre, moteur de l’histoire.
C’est toujours Dieu qui remet le pouvoir à un roi, à un chef, il lui
donne la victoire et permet sa domination sur un territoire. Un nouvel
ordre est alors instauré, plus favorable à l’équilibre du monde.
Le
souci de transmission Quels
étaient les buts des chroniqueurs syriaques en écrivant ces suites
de malheurs, qu’ils raccrochaient désespérément aux paroles des prophètes
bibliques ? Ils désiraient, comme l’écrivait Josué le Stylite, conserver
la mémoire de ces temps calamiteux et garder “un mémorial des châtiments”,
afin que les générations futures pussent réfléchir,
revenir de leur mauvaise conduite. Ainsi seraient-elles épargnées
par ces terribles afflictions. C’est ce qu’espérait aussi
Jean d’Asie :
“Et pour qui écrirait-il, celui qui écrit ? Alors j’ai
pensé qu’il fallait faire connaître et transmettre quelque peu de
notre punition par nos écrits, à l’intention de ceux qui viennent
après nous... Peut-être
eux-mêmes craindront-ils et seront-ils ébranlés ?
” (Jean d’Asie, Histoire ecclésiastique,
P. 61)
“Il est écrit : [Transmettez à vos fils] et encore
: [Interroge ton père et il t’instruira; demande à tes ancêtres et
ils te raconteront.] ” Il avait des préoccupations
morales, et s’adressa au lecteur :
“ Prend donc garde à toi et crains le Seigneur ton
Dieu, de peur qu’il n’envoie sur toi ces afflictions.”
(La chronique du pseudo- Denys de
Tell-Mahré, P. 2)
Traité de paix signé entre Justinien Ier et Ardeshir en 765
La
vision de l’histoire
Les
chroniqueurs tentaient de réfléchir à la guerre, rapport violent de
forces en présence, pour en chercher les causes et en dénoncer les
méfaits. Quels que fussent ses buts, elle n’était pas pleinement juste
par ses moyens. C’était
toujours Dieu qui remettait le pouvoir à un roi. Il lui donnait la
défaite, ou la victoire
et permettait sa domination sur un territoire. Un nouvel ordre était
alors instauré, plus favorable à l’équilibre du monde. Gens
du vingtième siècle, nous avons une vision différente de l’Histoire.
Nous pensons que Dieu n’intervient plus dans les affaires d’ici-bas.
Les fléaux, les guerres liées
aux passions humaines, haine, envie, orgueil, volonté de puissance,
nous laissent parfois une impression d’éternel et triste recommencement.
Ces calamités ne nous semblent pas à la mesure des hommes fragiles
qui les affrontent. Les guerres psychologiques et médiatiques peuvent
être aussi redoutables. Nous
suivons les luttes des malheureuses victimes, admirons leur formidable
courage. Ne semblent-elles pas nous dire : Nous avons tenu le coup
et nous sommes encore là ?
Je ne puis,
hélas, écarter de mes paupières les épreuves de ces peuples, qui vivaient
dans ces provinces orientales de l’empire byzantin, heureusement sauvées
de l’oubli grâce aux écrivains syriaques et à leurs alertes plumes
de roseau. Leurs écrits ont gardé une valeur inestimable.
Aujourd’hui
cette vaste région d’Amid (Diyarbakir), d’Edesse, de Mossoul, d’Antioche
a changé de visage. Elle est divisée entre la Syrie, l’Irak et la
Turquie. La population est en majorité musulmane, composée de Kurdes,
de Turcs, d’Arabes. Où
sont les Chrétiens grecs et syriaques, jadis si fervents ? Le
ciel s’obscurcit de plus en plus, une violente tempête, intolérance,
haine, nationalisme exacerbé, se déchaîne sur les montagnes et dans
les plaines. Sanglantes guérillas, destructions de centaines de villages
par les troupes de ces contrées, famines,
se succèdent, la guerre économique menace. Hélas, le cycle
des calamités recommence sans cesse. Les
Syriaques croient toujours à un avenir meilleur, même s’il reste obscur.
Sources
et Bibliographie des Chroniques Syriaques
1)-La Chronique de Josué le Stylite,
fut rédigée entre les années 507 et 518 de notre ère par un auteur
ecclésiastique inconnu qui vivait probablement à Edesse ( Urhâi)
La Chronique de Josué le Stylite,
composée en syriaque avec une traduction en anglais de William WRIGHT,
édition Cambridge 1882, rééditée à Amsterdam, Philo Press, 1968. Traduction
française (de quelques extraits) réalisée par Ephrem-Isa
YOUSIF.
Chronique d’Edesse,
éditée par I. GUIDI,
C.S.C.O, Paris, 1903.
Histoire ecclésiastique de
Jean d’Asie, la deuxième
partie fut traduite en latin par J.-B. CHABOT, Louvain, 1927-1933.
Robert HESPEL la traduisit en français, C.S.C.O, Louvain, 1989. (Cette traduction est utilisée dans notre étude.)
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